Financé par la RKO-Pathé, The Flying Padre était précisément définit par Stanley Kubrick comme "une chose idiote à propos d'un prêtre du Sud-Ouest qui, dans un petit avion, vole vers sa paroisse isolée."

The Flying Padre rentra tout juste dans ses fonds à cause du coût élevé des extérieurs.


 

Extrait du livre "Kubrick et le génie du cinéma" de Nicolas Bonnal

 

Mais voyons la Genèse folle des documentaires du maître. Il y a le Flying padre, réalisé alors que le jeune maître a vingt-trois ans, et qui est stupéfiant. Bel hommage aux missions catholiques de la part de ce jeune juif « sans éducation religieuse » (comme il le dit à Michel Ciment).

Le court-métrage de moins de dix minutes est distribué par la RKO.

Dès le début, Kubrick filme du désert, en avance sur son agenda de 2001. Le panoramique est admirable, on est au pays de John Ford. Cette maîtrise va se maintenir pendant tout le film  avec les coupes, les gros plans, les travellings, les plans généraux, les éclairages magiques dans les églises.

 

Puis vient le sujet, extrêmement original, riche et bienveillant : un père flottant dans l’espace, un Don Camillo d’avionnette. Le père volant, ou le curé volant, tout un programme spatial. Le prêtre se nomme Stadtmuller, d’origine bavaroise, et il se promène dans tout l’espace désertique du Nouveau Mexique qu’il survole de ses ailes bienveillantes tel un ange mécanique. On a ici le sujet de 2001 : l’odyssée de l’espace. C’est d’autant plus évident que personne ne l’a vu. Le père couvre de grands territoires avec sa bonne tête de cosmonaute. Les solitudes désolées n’attendent que Ligeti et son Lux aeterna pour l’accompagner.

Mais que fait ce monolithique et volant curé ? Il instruit spirituellement les indiens, amène les bébés à l’hôpital (où les caméras ne le glorifient pas assez, se lamente la voix off avec ironie). La mission spirituelle est encore renforcée par les très belles images de messe que réalise Kubrick. Kubrick filmera peu la messe, sujet pourtant photogénique, au cours de sa carrière : on a les belles images de Barry Lyndon, lors du mariage de l’aventurier avec sa belle ou lors des admirables funérailles de son enfant.

 

Le Flying padre est ici montré comme un héros civilisateur dans une ambiance optimiste et technique, presque soviétique. Il fait office de monolithe puisqu’il est un objet volant – certes identifié mais bizarre quand même – dont la mission d’éveilleur spirituel est évidente. Ici se manifeste une certaine bienveillance – au moins cinématographique – de Kubrick pour le christianisme, jusqu’à EWS. La fin du film montre l’approche de l’aviateur – transformé plutôt en ambulancier aérien et sauveur – qui amène une femme et son enfant d’un an, petit objet du futur qui sort de la carlingue à la fin. Ici aussi on pressent dans cet enfant blond le fœtus astral de 2001 et son regard bleuté qui ouvre la voie lactée. Ce court-métrage est au sens propre phénoménal, il est rétrofuturiste pour reprendre un terme que nous avons utilisé pour définir le monde Ridley Scott ; on se croirait dans le livre d’Ezéchiel avec son vaisseau qui porte l’Esprit. Le fait que les indiens reçoivent en majorité ce message est aussi une bonne nouvelle, qui satisfait les amateurs de matins de magiciens, de Tiahuanaco ou de Nazca. En un mot, Flying padre décrit l’équipée technique d’un messager spirituel. C’est une petite odyssée de l’espace, faite si l’on peut dire avec les moyens du bord. Mais dès ce premier essai, Kubrick en est à un coup de maître, celui qui annonce son légendaire chef d’œuvre.

Synopsis

Deux jours dans la vie du révérend Fred Stadtmueller, missionnaire catholique d’une paroisse du Nouveau Mexique de 400 miles carrés. Depuis six ans, il pilote son piper club, le Spirit of St. Joseph. Le prêtre assiste à l'enterrement d’un fermier, réconcilie des enfants, élève des canaris, tire à la carabine, puis prend son avion pour aller chercher un bébé malade et sa mère à 80 km de chez lui et les conduire à un aéroport où les attend une ambulance.

Générique du film

- Scénario, photographie : Stanley Kubrick.

- Montage : Isaac Kleinerman.

- Musique : Nathaniel Shilkret.

- Enregistrement son : Harold R. Vivian.

- Narrateur : Bob Hite.

- Producteur : Burton Benjamin.

- Compagnie de production : Stanley Kubrick

Avec, le Révérend Fred Stadtmeuller

- Distribution : RKO Radio.

- Durée: 9 mn.

- Etats-Unis.