2001 et la mode

Voyage parmi des objets familiers

 

Dans le film, rien ne semble démodé, à part les femmes. Anticipation du cinéaste ou emprunts des designers d'aujourd'hui ?

 

Par Isabelle Cerboneschi

 

Pendant les deux heures et demi que dure 2001, l'Odyssée de l'espace, on est surpris par le sentiment de familiarité que provoquent les objets, le design, les costumes. Difficile de dire ce qui relève de l'anticipation du cinéaste et de son équipe de décorateurs ou de la propension des créateurs contemporains à revisiter le passé. De nombreux cinéastes, designers, publicitaires se sont inspirés et s'inspirent encore de l'univers de Kubrick (les parfums Pi de Givenchy ou le flacon Rush de Gucci, rouge comme la mémoire de l'ordinateur Hal, sont des citations directes).

 

«Nous avions prévu que la couleur dominante serait le blanc, la réalité du modernisme est beaucoup plus sombre», confiait Christiane Kubrick, l'épouse du cinéaste, au journal Le Monde en mars dernier. Et pourtant ce décor blanc, sans âge, le sol de la chambre dans la scène finale, éclairé avec ses carrés réflecteurs de 60 cm de côté, pourrait être celui d'une boutique Gucci, signée Tom Ford.

Les fameux fauteuils Djinn créés en 1965 par le designer Olivier Mourgue, en mousse de polyester recouvert de jersey rouge qui meublent la station Hilton, se vendent toujours dans les 2000 fr. aux enchères. Si ses formes organiques ne semblent pas démodées, c'est parce qu'à la fin des années 80, le designer anglais Ron Arad en a fait un élément typique de son travail. Les thermos bleus que l'on voit trôner sur le mobilier épuré de la salle de briefing rappellent la Thermos Basic de Julian Brown et Ross Lovergrove de 1991 et la vague du look lollipop qui a mis de la couleur dans les cuisines. La nourriture que l'on sert dans la navette qui mène sur la Lune n'a rien à envier aux préparations protéinées en bouteille, aux compotes en gourde refermable (Materne), aux briques de boissons et autres snacks en portions individuelles. Anticipation?. Les couverts ressemblent à ceux que l'on trouve à bord des avions Swissair.

 

Le talent des décorateurs est d'avoir conçu un décor qui ne date pas, pariant sur des formes simples, indémodables, rondes ou carrées. Jusqu'à la police de caractère utilisée: l'Helvetica. Une police simple, propre, avec des points carrés sur les i et les j, créée entre 1951 et 1953, qui est devenue la police la plus utilisée dans la pub et sur les ordinateurs Mac. Rien n'est démodé. Pas même les costumes des hommes, signés Hardy Amies: des vestes courtes et étroites à trois boutons avec des imprimés à carreaux, et leurs pantalons droits sans pince, que l'on a pu voir dans quelques défilés masculins de l'été 2001, inspirés de la mode des années 70. Revival. La seule touche qui détonne: le bijou porté par les hommes en guise de cravate.

 

Pour la mode féminine, en revanche, Hardy Amies a parié sur le style futuriste d'André Courrèges: les tenues blanches des hôtesses – pantalons étroits et vestes courtes – sont inspirées de la collection ère spatiale, lancée au printemps 65 par le couturier. A l'époque, sa mode était avant-gardiste. Aujourd'hui, elle est millésimée. Quant à la coiffure des personnages féminins évoluant dans la station Hilton – une mise en plis rigide – elle n'aura pas survécu aux années 60.